Sur la piste aux étoiles d’Antoine Dénériaz

Dix-huit ans après sa médaille d’or de descendeur aux Jeux olympiques de Turin, Antoine Dénériaz s’est reconverti en orfèvre du ski. Dans sa manufacture haute-savoyarde, le travail à l’unité, et à la main, règne en maître. 

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Le 12 février 2006 reste à jamais gravé dans les annales du sport français et dans la mémoire d’Antoine Dénériaz. À 30 ans, le skieur savoyard remporte la médaille d’or en descente des Jeux olympiques de Turin avec 72 centièmes d’avance sur l’Autrichien Michael Walchhofer, soit l’un des plus importants écarts de l’histoire de l’épreuve. « Aujourd’hui encore, cela me paraît irréel, mais j’étais dans un jour comme on en connaît rarement, se souvient le géant de Morillon (Haute-Savoie). C’est la course de ma vie, un moment d’une intensité exceptionnelle ». Mais l’euphorie est de courte durée. Trois semaines plus tard, en Suède, lors d’une étape de la Coupe du monde, une grosse chute brise son élan. « J’ai perdu connaissance, je m’en suis bien tiré, mais je me suis fait peur, poursuit-il. Pendant un an et demi, quelque chose s’est cassé en moi. Je progressais techniquement, mais dès que je prenais de la vitesse, j’avais la boule au ventre ». Chausser les skis et s’aligner au départ d’une descente devient une épreuve. L’insouciance est perdue, ce qui motive le champion à arrêter la compétition. Antoine Dénériaz officialise sa retraite sportive le 5 décembre 2007 : « J’étais avec l’équipe de France aux États-Unis et ça n’allait pas. J’avais fini mon dernier entraînement avec un temps épouvantable. À l’arrivée, j’ai claqué les skis et j’ai dit à un copain : stop, c’est fini. Ma décision était prise ». Vient alors le temps de la reconversion, à laquelle le sportif n’a pas songé. Tour à tour, le jeune retraité devient consultant télé, notamment pour les JO de 2014, mène des tests de skis pour un équipementier, passe un master en marketing sportif avant de se lancer, en 2009, dans la création de sa propre marque d’accessoires de ski sous le nom Antoine Dénériaz – Powered by passion. Il commence par vendre des casques. 

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Puis, grâce à sa notoriété restée intacte dans le milieu, la marque suisse haut de gamme Zai le contacte dans le but de concevoir une première gamme de skis en série limitée. « J’ai suivi toutes les étapes de son élaboration, se souvient ce père de deux garçons. Cette expérience m’a permis de découvrir pendant deux ans le circuit de distribution du ski haut de gamme et de rencontrer Alain Zanco, ancien responsable R&D de Rossignol ». Entre les deux hommes, le courant passe si bien qu’ils s’associent en 2016 pour créer une manufacture de skis d’exception. Dans l’atelier de Doussard, à mi-chemin entre Annecy et Albertville, de la découpe du plateau de bois brut jusqu’aux finitions, tout est confectionné à la main, savant alliage de tradition et de technologie moderne. Chaque ski est conçu à partir des meilleures fibres techniques et des bois français les plus nobles comme le balsa, une essence hyper légère résistant à la compression, et le noyer, connu pour sa stabilité et son confort. 

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Côté esthétique, les produits, tous numérotés, jouent la carte de la ligne nette et épurée et optent pour des tons doux et irisés, avec quelques notes dorées en clin d’œil à la médaille d’Antoine. L’année dernière, 450 paires de skis Dénériaz, vendues entre 2 000 et 3 000 euros en moyenne, sont sorties de l’atelier. « Notre ambition n’est pas de produire à la chaîne, assure ce fils d’un charpentier et d’une infirmière. Nous envisageons nos skis comme de beaux objets pour une clientèle qui peut se les offrir. Notre objectif est de garantir des sensations de glisse et de toucher uniques, afin que chacun puisse tailler de belles courbes fines et précises sur tous les types de neige ». Après avoir tutoyé les sommets olympiques, Antoine Dénériaz veut propulser sa marque au firmament de l’excellence française. Sa reconversion improvisée suit les traces de son historique descente de Sestrières.

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Auteur : Vincent Feuillet
Photos : Didier Michalet – DMKF

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