« Ego à nu » avec Les POCKEMON CREW

ILS FÊTENT CETTE ANNÉES LEURS 20 ANS. RIYAD FGHANI, DIRECTEUR ARTISTIQUE ET CHORÉGRAPHE DU COLLECTIF HIP-HOP LE PLUS TITRÉ AU MONDE, A RÉALISÉ SON RÊVE. CET AUTODIDACTE PERSÉVÉRANT ET SOURIANT A FAIT DE LA DANSE SON MÉTIER, SE CRÉANT UN PARCOURS DIGNE D’UN FEEL GOOD MOVIE. LA TROUPE BONDISSANTE DONNE UN SPEC- TACLE ANNIVERSAIRE UNIQUE, LE 14 JUILLET AUX NUITS DE FOURVIÈRE.
Propos recueillis par Charlotte Pidou.

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Quand avez-vous su que la danse, c’était votre truc ?

RIYAD FGHANI : Dès tout-petit, ça m’est venu naturellement. J’ai grandi dans la banlieue de Chalon-sur-Saône, où la danse représentait mon oxygène. Avec mon frère, on pratiquait le smurf, on imitait les mouvements de Mickaël Jackson. Ce n’est que plus tard, que j’ai réalisé qu’il était le premier danseur hip-hop ! Je dansais tout le temps. Petit, l’entourage trouve ça rigolo, mais quand on devient ado, il estime cela pathétique. À 15 ans, ma famille a déménagé à Lyon, dans le 6e, ça a été un choc. Un jour, dans la rue, j’ai entendu de la musique et j’ai vu un mur graffé, je suis rentré. C’était l’Espace Jeunes, pour lequel j’ai eu un bon feeling et où je me suis fait mes premiers amis. On participait aux sorties pour aller voir des spectacles des compagnies Käfig, Maguy Marin… Ça me nourrissait.

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Ⓒ Didier Michalet

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Puis vous intégrez l’Opéra national de Paris et l’Opéra national de Lyon grâce au hip-hop, une preuve de ténacité ?

RIYAD FGHANI : En un sens oui. En fait, peu de gens tournaient sur la tête, pour réaliser le fameux head spin. Un jour, un copain me parle d’un casting à Paris et voilà comment je me suis retrouvé à l’Opéra de Paris, dans la pièce chorégraphique La chauve-souris, sous la direction de Colline Serreau et Laura Scozzi. Je suis resté plusieurs mois. J’ai côtoyé des danseurs, des circassiens, des régisseurs… J’ai beaucoup appris de cette aventure, mais la vie parisienne me déprimait.  À Lyon, on peut vraiment parler de détermination. Le parvis de l’Opéra est devenu notre lieu d’entraînement, car j’ai été happé par ce sol étrange et attractif. On venait tous les soirs et il est devenu symbolique, en cassant le côté communautariste, des quartiers de Vénissieux, Vaulx-en-Velin… On venait tous danser là. Pendant cinq ans, les agents de la sécurité ont essayé de nous chasser. Comme je par- lais avec tout le monde et que j’avais un peu d’expérience, je suis naturellement devenu le responsable. En 2003, Serge Dorny est arrivé à la direction de l’Opéra et a demandé à me rencontrer. Il m’a expliqué son projet de péristyle et m’a proposé de venir visiter l’amphithéâtre. Quand j’ai constaté que le sol était identique et que l’espace était climatisé, j’ai dit aux gars, « venez »! On a un fait un test pendant un mois et nous sommes restés 10 ans en résidence. Au contact des chorégraphes et du ballet, nous avons beaucoup évolué artistiquement.

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Racontez-nous la naissance des Pockemon Crew, leur ascension jusqu’à afficher 18 titres, dont trois de champions du monde de breakdance et enfin, le passage à l’univers du spectacle.

RIYAD FGHANI : Le phénomène des battle est arrivé à la fin des années 90. On s’entraînait beaucoup pour se mesurer aux autres. En 1999, on s’est inscrit pour représenter Lyon à Grenoble. Quand j’ai vu que les noms des groupes versaient dans le « meur- trier » – Gangsters, Killer… – j’ai eu envie d’amener de l’originalité, de la légèreté. Le jeu vidéo et dessin animé à la mode, c’était Pokémon. Le nom est resté. Nous avons enchaîné les compétitions et championnats dans différents pays puis remis en jeu nos titres. Notre notoriété a grandi et l’on a commencé à nous solliciter pour des représentations. Sur le plan personnel, ces titres équivalent à un diplôme. Après n’avoir entendu que des choses négatives sur ma passion, c’était un soulagement. J’ai justifié d’une belle manière mon choix.
Puis, à un moment où le groupe perdait l’esprit de compétition, on a retrouvé l’énergie, l’adrénaline et le challenge avec les shows. C’est là que j’ai commencé l’écriture artistique.

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Comment sont imaginées vos créations ?

RIYAD FGHANI : J’amène la musique, puis nous bossons ensemble la chorégraphie et toutes ces propositions inspirent un thème. Par exemple, notre premier spec- tacle C’est ça la vie! racontait notre histoire. Silence, on tourne!, qui a été donné (et tourne encore) dans le monde entier, est un hommage au cinéma et aux racines du hip-hop. Avec Hashtag 2.0, dont les dates sont programmées jusqu’en 2020, nous explorons les réseaux sociaux, la connexion permanente. Je dirais que je suis un directeur artistique vicieux, car je laisse les danseurs aller au bout de leurs idées, mêmes mauvaises. Puis on crève l’abcès d’un coup. C’est important que chacun prenne du plaisir sur scène.

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Quels sentiments et émotions ressentez-vous sur scène ?

RIYAD FGHANI : C’estdifficileàdécrire,maisaveccestylededanse,onal’impressiond’être un super-héros. Selon les figures, on a la sensation de voler, d’avoir de la vitesse, des forces décuplées. C’est à la fois bizarre et très agréable. Quand on s’arrête et qu’on a mal partout, on se souvient vite que nous ne sommes que des humains ! D’ailleurs, je ne danse plus depuis 6 ans, car j’ai pratiqué pendant longtemps sans m’échauffer, m’étirer, et mon corps ne suit plus! D’où mon intransigeance avec les jeunes. Mes enfants, eux, ont du mal à comprendre mon métier; ils pensent que je regarde danser les copains et que je vais juste saluer sur scène à la fin…

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Vous célébrez vos 20 ans aux Nuits de Fourvière, avec un spectacle unique et vous serez à l’affiche de l’Opéra de Lyon les 23 et 24 octobre, qu’est-ce que cela représente ?

RIYAD FGHANI : Dans ce lieu mythique qu’est Fourvière, nous allons interpréter un medleyde nos succès et finir par un battle avec nos anciens « ennemis ». À l’Opéra, nous danserons notre nouvelle création, Millésime. Et ce n’est pas tout : nous achèverons cette année anniversaire en novembre, à l’AccorHotels Arena de Paris, puisque NTM nous a invités pour leurs deux dernières dates. On est comblés! À 40 ans je réa- lise que j’ai vécu des trucs incroyables et que les conseils des aînés ont un sens. Aujourd’hui, je souhaite permettre à ceux qui ont un potentiel de le révéler.

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