Comment les couleurs gouvernent ?
- août 09, 2019
- by
- Pauline
Thème de notre dernier numéro : LA COULEUR se déploie en une multitude de teintes. Zoom.
Elles gouvernent tout simplement par l’entremise de notre cerveau et des connexions qu’il opère à longueur de temps.
Lorsque notre rétine capte une couleur, c’est scientifiquement prouvé, tout un arsenal sensoriel s’active : l’information visuelle est transformée en signal électrique puis transmise au grand chef de la pensée, qui sécrète alors un cocktail de messagers très actifs sur l’organisme.
Selon une étude américaine, les femmes seraient même plus sensibles à ces émotions, car elles perçoivent les couleurs avec davantage d’intensité que les hommes. D’un individu à l’autre et d’un sexe à l’autre, on ne broie pas du noir de la même façon et on voit la vie en rose avec plus ou moins d’ardeur !
Jean-Gabriel Causse se qualifie lui-même comme un marchand de couleurs. Il a publié de nombreux ouvrages sur ce sujet et conseille les entreprises soucieuses d’opérer des choix judicieux, que cela soit dans l’industrie automobile, le secteur de la santé et bien d’autres domaines. « Les couleurs qui nous entourent ont incontestablement une influence sur notre moral, nos performances et notre état d’esprit », affirme-t-il sans hésiter. Son propos s’étaie d’exemples aussi fascinants que nombreux.
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LE BLEU ENCOURAGERAIT L’IMAGINAIRE ET LES LUTTEURS HABILLÉS EN ROUGE GAGNERAIENT PLUS SOUVENT QUE CEUX HABILLÉS EN VERT.
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« Tout ceci n’est pas décrété, mais prouvé par l’observation scientifique et l’analyse. Lors d’une IRM, une personne qui regarde un aplat de couleur rose va activer les mêmes parties et composantes du cerveau que lorsqu’elle visionne une image de bonheur. Une autre teinte dont les effets sont massifs est le rouge. Des chercheurs de l’université de l’Arizona ont constaté que des individus violents placés dans une pièce éclairée en rouge devenaient encore plus violents alors que ces mêmes patients, dans la même pièce éclairée en bleu, se calmaient. La forte agressivité liée au rouge peut se révéler utile dans certaines circonstances : d’autres recherches ont en effet montré que les combattants vêtus de rouge sont plus souvent vainqueurs que les autres. Cette couleur augmenterait la combativité des sportifs et impressionnerait leurs adversaires. L’hypothèse avancée pour expliquer ceci est que dans de nombreuses espèces animales, les mâles compétitifs sont ceux qui ont le plus de testostérone et portent sur leur corps des couleurs rouges, car la testostérone favoriserait la coloration rouge du plumage ou des écailles ! Les autres identifieraient ce « message » et sauraient instinctivement qu’ils ont affaire à un individu agressif et puissant. Le rouge est aussi la couleur de la séduction. Le vert celle de la créativité, car elle active un grand nombre de zones dans notre cerveau ; le bleu, la couleur de la relaxation et l’orange, celle du langage, d’où son utilisation fréquente dans les champs de la communication ».
A une exception près : Facebook ! Car Mark Zuckerberg, en bon daltonien, a logiquement choisi le bleu comme référentiel, devenu la norme pour la plupart des réseaux sociaux. Les couleurs sont les super stars de notre cortex, donc, au point qu’en prenant de l’âge, nous les voyons non plus avec nos pupilles, mais avec notre cerveau. Ce dernier compense en effet la perte de sensibilité des cônes récepteurs situés au fond de nos yeux.
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Auteur de quatre passionnantes monographies sur les couleurs bleu, noir, vert et rouge aux éditions du Seuil, l’historien médiéviste Michel Pastoureau s’apprête, pour sa part, à publier une monographie sur le jaune. En pleine et infinie mouvance
« gilets jaunes », il rappelle que le jaune est la couleur la plus mal aimée de la palette, car synonyme de traîtrise au Moyen Âge.
Si cette teinte était extrêmement positive pendant l’Antiquité, grecque et romaine, elle s’est progressivement dévalorisée, au profit de l’or, devenu peu à peu le bon jaune, signe de richesse, de beauté, de prospérité. Est-ce à dire que les gilets jaunes seraient plutôt du côté des trompés ? L’historien ne se prononce pas, mais avance qu’un choix dans les orangés aurait été plus judicieux.
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D’AILLEURS, N’OBSERVE-T-ON PAS UNE SYMBOLIQUE DES COULEURS EN POLITIQUE ? LE BLEU POUR LES CONSERVATEURS, LE ROUGE POUR LES COMMUNISTES ET LES RÉVOLUTIONNAIRES, LE ROSE POUR LES SOCIALISTES, LE BLANC POUR LES MONARCHISTES, LE VERT POUR LES ÉCOLOGISTES, LE NOIR POUR LES ANARCHISTES, ET L’ORANGE ADOPTÉ PAR LE MOUVEMENT DÉMOCRATE.
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Quant au violet, il incarne les mouvements féministes depuis les années 1900, fusionnant plus ou moins en une seule couleur revendicatrice et égalitaire : le rose féminin et le bleu masculin. Emmanuel Macron, lui, n’a pas tranché, soucieux sûrement de ne pas s’enfermer dans un style et un discours. Si le site officiel de La République En Marche recourt aujourd’hui à un bleu franc et à un rose bonbon, durant la campagne présidentielle – et au fur et à mesure que la côte de l’outsider grimpait – les médias se sont affolés. Au soir d’un second tour plié sans grande surprise, les chaînes de télévision et les journaux étaient en effet bien en peine pour coloriser leurs graphiques. Les scores de Marine Le Pen sont représentés en bleu marine, marron ou noir, comme c’est l’habitude pour l’extrême droite. Mais la performance du vainqueur est affichée en gris sur France Télévision, bleu foncé sur BFM, violet sur le site du Parisien, bleu ciel sur LCI et en jaune à peu près partout ailleurs. Un jaune quisemble poursuivre le Président et sur lequel il devrait peut-êtres’interroger !
Sinon, quid des couleurs à la mode à l’approche des années 2020 ? Jean-Gabriel Causse parie sur le vert et plus généralement sur un retour en masse de tous les coloris francs.
« Aujourd’hui, une blogueuse peut pousser une couleur en cinq minutes, dit-il. Les tendances vont très vite, mais elles semblent s’écarter des couleurs désaturées, comme les taupes, les écrus. Tout au long de ses vingt dernières années, il n’y a que l’Occident qui a oublié les couleurs. Et un peu le Japon ! Mais on en revient car notre société, notre économie, notre architecture, la créativité humaine ont besoin de couleurs ». Mal en point, en effet, le blanc souverain dans les intérieurs et les bureaux, car il s’agirait d’un choix dommageable à la productivité. Le risque de burn out serait beaucoup plus important dans un tel environnement, l’ennui plus rapide et la créativité affaiblie.
Il me viendrait presque, à la conclusion de cet article, une envie de pinceaux et de nuanciers…
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AUTEUR : NANCY FURER
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